TRIBUNE LIBRE – FRANCOIS DEBEAUVAIS – FISC ET POKER
Face à l’absence d’une réglementation fiscale claire et à la multiplication des contrôles fiscaux débouchant sur des non-sens juridiques, les joueurs souhaitent désormais s’organiser et peser dans un débat qui, pour le moment, semble leur échapper et dont ils sont pourtant les premières victimes.

.

A/ Une réglementation fiscale contradictoire.

.

I / Le Poker jeu de hasard.

.
La récente Loi votée en 20101 concernant la régulation des jeux en ligne institue ET sacralise dans son Article 2 le poker comme jeu de hasard. Jeu ou le hasard prédomine sur l’habileté, et les combinaisons de l’intelligence pour l’obtention du gain. N’en déplaise à certains puristes, le poker reste un jeu dans la même catégorie que les paris sur les gains sportifs, les courses hippiques, et le loto! A ce titre, rappelé dans une Réponse Ministérielle de Novembre 20112, “les gains réalisés à l’occasion de jeux, même pratiqués de manière habituelle, ne constituent pas, au sens de l’Article 92 du Code Général des impôts, une occupation lucrative ou une source de profits devant donner lieu à imposition ». Il apparait clair que l’imposition au titre de l’Article 92 du Code Général des Impôts ne concerne donc pas le poker. Néanmoins, malgré cette législation claire, l’Administration fiscale impose un véritable racket à tous les joueurs, qu’ils soient pros ou amateurs, dès lors que les gains réalisés sur les tournois sont suffisamment intéressants pour être taxés! Ainsi au travers de 2 procédures fiscales aux conséquences différentes (Taxation d’office & Vérification de comptabilité), elle tentera de soumettre au joueur sa propre doctrine : “Tous les joueurs gagnants et contrôlés sont des professionnels et doivent se soumettre à la déclaration de leurs gains au titre l’Article 92 CGI.”  Gains obtenus grâce au Poker, jeu non pas de hasard, mais de semi-hasard!

.
1/ Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.
2/ Question député Mme FILLIPETTI, N°11952 Assemblée Nationale 13è Législature publiée au JO 13 Juin 2011.
3/ Article Imposition, Francois DEBEAUVAIS.

.

Nous sommes « ravis » d’apprendre que le vote des Lois ne se fait non plus dans l’hémicycle du  Palais-Bourbon mais directement à BERCY!

Objet Juridique Non Identifié

.

En effet Bercy vient de créer un OJNI (objet juridique non identifié), le jeu de semi-hasard ! Cette interprétation quelque peu subjective a été relayée par la seule jurisprudence en la matière. Cette vision (purement de circonstance) s’affranchit totalement de la législation en vigueur pour autant votée en Mai 2010 (supra 1) et vidant la substance même de cette Loi. Le prétexte de l’autonomie du droit fiscal peut-il à ce point bafouer notre système législatif ? Il ne faudrait pas considérer que la bataille remportée par le fisc dans l’Arrêt Petit devienne la référence de base en matière de contentieux. Cet Arrêt du Tribunal Administratif, bien qu’il soit important pour les profanes, n’a qu’une portée très limitée pour les professionnels du droit, un arrêt de première instance ne constituant jamais la doctrine.

.

II/ La taxation des joueurs pros et amateurs.

.

Relayée par la presse spécialisée et Internet, la diffusion des montants des gains par MTT, et des gains annuels sont une source d’informations pour l’Administration fiscale, qui saura les utiliser dans les procédures ad hoc menées contre les joueurs. Même si le contraire nous sera affirmé, d’un point de vue éthique, il faut l’admettre en pratique : « qu’importe le caractère amateur du joueur, seul le montant de gains constitue pour le fisc un élément de preuve quant à l’aspect professionnel du joueur ». Charge au joueur d’oser prouver le contraire par une procédure contentieuse auprès de l’ogre BERCY. La Réponse Ministérielle Pécresse (supra 2) précise que les gains réalisés par des joueurs, sont néanmoins imposables au regard “d’une pratique habituelle” (…) “et sous réserve qu’il soit exercé dans des conditions assimilables à une activité professionnelle”. Bien qu’aucune définition ne soit venue préciser le caractère professionnel des joueurs. L’Administration entame et lance, grâce à ce flou entretenu, (voir l’article de Janluk chez Poker Post) procédure sur procédure auprès de l’ensemble du field français, ou chaque joueur amateur et professionnel serait potentiellement victime du jugement de Salomon! Pendant combien de temps les joueurs subiront-t-ils les dérives arbitraires de l’Administration fiscale?  La voie salvatrice serait, pour certains, la négociation : pour d’autres, la voie contentieuse. Or ce choix ne peut être qu’individuel et dessert le plus souvent le joueur soumis au contrôle, lequel, seul, ne pourra se défendre efficacement.

4) Arrêt Petit TA Clermont Ferrand

.

B/ Les Joueurs veulent reprendre la main sur le débat.

.
I / Se rassembler pour peser.

.
Face à ce racket fiscal, juridiquement inapproprié, les joueurs au travers de rencontres, articles, forums sociaux, constituent désormais entre eux un formidable réseau prêt désormais à répondre efficacement aux attaques et comptent aller plus loin. Les joueurs qu’ils soient réguliers ou non, sont le coeur économique de cette industrie du poker, et restaient jusqu’à maintenant inaudibles sur des thèmes pour autant essentiels à l’équilibre du système. Mais çà c’était avant!  Bien avant son titre de runner up WPT CHAMPIONSHIP, Philippe KTORZA en véritable étendard s’est intéressé cette année à la répartition du prize pool au sein des plus gros events internationaux WPT & EPT. Les Organisateurs, constatant l’intérêt légitime des joueurs, ont accepté de modifier la répartition du prize pool et ont permis ainsi une meilleure profitabilité pour les joueurs. Première satisfaction mais tellement de travail restant à accomplir. Les travaux de Sysiphe ne font que commençaient ! Rake, prize pool, conditions de tournois,
programme VIP & fiscalité, statut professionnel, les chantiers ne manquent pas. Désormais les joueurs souhaitent se faire entendre en organisant de véritables états
généraux du poker qui réuniraient tous les acteurs (rooms on line, casinotiers, associations, joueurs pro et amateurs). Se fédérer pour être représenté, défendre l’intérêt des joueurs. Rassembler les joueurs autour d’un statut défini juridiquement, via une instance professionnelle, représentative des joueurs (pro, amateurs & associations) permettra de peser avec l’ensemble des protagonistes. Dans un premier temps, cette nouvelle instance professionnelle empêchera Bercy d’imposer arbitrairement les joueurs amateurs et d’être ainsi à court d’argument. Par ailleurs que cette instance puisse se porter partie civile auprès des tribunaux et défendre ses adhérents lors des contentieux. Représenter les joueurs auprès de nos partenaires rooms on line et casinotiers pour améliorer le service de joueurs VIP.

.
II/ Des propositions concrètes rapidement.

.
Ces états généraux permettront d’obtenir rapidement des résultats et d’émettre des propositions auprès des instances concernées (voir thèmes énoncés supra) . D’un point de vue fiscal, nonobstant le statut de joueur professionnel et de son assujettissement aux BNC (Bénéfices Non Commerciaux ), la possibilité au joueur amateur de soumettre ou non ses gains à l’impôt en contrepartie de déduction de ses frais (voyages, repas, buy in). Il pourra être soumis au BNC non professionnels mais ne cotisera pas aux régimes de protection sociale (RSI & URSSAF) Permettre également au joueur professionnel un système d’étalement de revenus exceptionnels sur 4 ans. La performance sur un gros event du circuit EPT, WPT, WSOP ) est un évènement rare dans la vie d’un joueur , cette quête du Graal lui offre une somme relativement conséquente.
De 300.000 € à 1000.000 €, mais il restera soumis l’année suivante au barème de l’impôt, la taxation française de 45% à 75% peut être alors confiscatoire, si l’on ajoute les cotisations sociales, frais etc …

Afin d’éviter une pression fiscale trop lourde et reconnaitre le caractère exceptionnel des sommes perçues, il serait proposé d’étaler la somme gagnée sur 4 ans et permettre de lisser la taxation, en réduisant mécaniquement les tranches d’impositions et l’imposition globale. Offrir la possibilité aux joueurs professionnels de déduire le stacking. Réciprocité fiscale oblige cette déduction induirait des revenus accessoires professionnels en cas de gains du joueur parrainé. Autoriser la négociation en table finale lors de Tournois, et rendre totalement transparentes les sommes offertes aux joueurs qui sont soumis à des fiscalités différentes selon leurs Etats de résidence fiscale et constituent des distorsions de concurrence par rapport à certains Etats à fiscalités privilégiées. Il est certain que l’ensemble de nos représentants devront être portés néanmoins par une légitimité forte pour débattre de sujets fédérateurs. Aux joueurs pro, amateurs, associations, rooms on-line et casinotiers d’être transparents pour avancer ensemble et garder en tête la même passion du jeu.

.
Francois DEBEAUVAIS

 

 

 

 

Articles en référence abordant le sujet :

la guerre des K n’aura pas lieu

Poker. Qui est traqué par le Fisc, en vrai?

Sortir très vite du flou artistique!

 Proposition de débat sur la DavidLPokerRadio.net

« A cartes égales »

Débat auquel pourraient participer 3 intervenants sous réserve de leur accord (M. François Debeauvais, fiscaliste et MM Korchia et Ktorza par exemple) joueurs pros et amateurs, permettant à chacun de défendre ses positions et propositions…et tenter de parvenir à un consensus d’auto-défense pour le poker!