Rien à voir avec « l’argent qui brûle les doigts »

Encore moins avec les cartes « cramées » ou la joueuse « qui ne rit que lorsqu’elle se brûle » … « Un joueur brulé » dans un Cercle, c’est encore autre chose. Le flambeur peut « brûler la chandelle par les deux bouts » et finir par se « brûler la cervelle » si tant est qu’il en avait une… Impossible de « brûler la politesse » au joueur sur votre gauche! Le croupier aurait tôt fait de vous rappeler à l’ordre! Il voit tout ou du moins est censé tout voir. A la moindre incartade, certains dealer ont « les lèvres qui brûlent » d’impatience de tancer les indisciplinés! Et si ce joueur persistait dans l’erreur, « s’il brûlait ses vaisseaux » il s’engagerait alors dans un combat perdu d’avance contre Monsieur le Floor Manager! Brûlant problème.

A brûle pourpoint, la flambe c’est vraiment unique. En Bretagne évidemment, il y a les crêpes flambées au Chouchen. Autour d’une bonne flambée en hiver. Pour le verbe qui nous préoccupe, comme toutes les expressions pré-citées (et il y en a d’autres), la connotation de chaleur est omniprésente! « J’ai eu chaud » signifie bien ce que cela suggère! Une bonne suée, une montée d’adrénaline ou l’emballage de votre palpitant en sur-régime…

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Quand on sait que l’oriflamme était un petit étendard fait d’un tissu de soie rouge que nos rois allaient recevoir des mains de l’abbé (à la Basilique Saint-Denis) avant d’aller guerroyer, on en revient toujours à un rapport de force, à une confrontation entre hommes ou pays. On aurait tout aussi bien pu l’appeler « oriflambe » why not? Ci-contre, l’oriflamme de l’évêché de St Denis, que nos jeunes ou vieux rois emmenaient en guerre avec la bénédiction allant avec…

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Le flambeur…

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Comment reconnaître le flambeur ordinaire du flambeur chaud-bouillant? Le premier ne sait dire que « suivi »,  jamais de repos pour la chance et le second « re-raise ou double ».

Style de jeu : Poker spectacle. Ce sont les jeux du cirque, le flambeur est à la fois la bête de cirque qui passe dans le cerceau enflammé et le dompteur qui peut saluer son auditoire, sa cour en cas d’applaudissements. (rare au poker, mais déjà vu).

Le flambeur a vu Casino Royale, le dernier, et s’il a retenu une seule chose de l’agent 007, c’est que : « tout ce qui est sur la table peut être joué ». Certes il ne possède pas une DB7, encore moins la clef faisant tousser le V12, mais il tente de préserver son image de marque. Si sa Mercedes n’est pas récente, il s’agira (dans sa tête du moins) d’un véhicule collector. Ne pas le contrarier, il est incollable. Et ne prise guère vos contradictions. De toutes manières, le porte-clefs (neuf) Mercedes ou Jaguar est sur la table. Prêt à entrer en action. Mais ce n’est qu’un leurre dans un casino…

Le Net est son pire ennemi. Comme l’anonymat dans lequel il se trouve plongé de facto. Erratum. Il dit qu’il ne joue pas sur le net, mais la passion du jeu lui fait prendre quelques libertés avec sa parole. Après tout, sa parole, il n’en a qu’une. Il lui est donc utile de la reprendre souvent…En douce! A contrario de l’anonymat qui le fait mourir à petit feu, tout ce qui est ostentatoire est étudié de très près. Cela commence par sa tenue, en passant par la voiture avec laquelle il se rend au  travail (le casino) jusqu’au pourboire qu’il va offrir tel une preuve d’amitié, voire un royal présent au voiturier. Lequel devient son homme de confiance.

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Accessoires et panoplies. Costards et cabriolets…

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Il est assez rustre. Son vocabulaire est limité mais parfaitement assimilé. Le « costard » n’est pas du sur-mesure, mais passe partout. Il donne l’illusion. S’il met une cravate, il ne pourra s »empêcher de jouer la couleur légèrement criarde, preuve de son « bon goût m’as-tu-vu ». Sa copine n’est pas un prix Nobel mais pas vilaine à regarder. Elle découvre le quotidien du lascar et le trouve vraiment séduisant. D’autant plus qu’il refile un billet de 20 au voiturier en l’appelant par son prénom. (Il utilise toujours le même). Eux, sont rodés et complices… La « gimbarde » tient encore la route mais a connu plusieurs contrôles techniques… Elle est basse, voyante, peut être un peu bruyante, et il joue le côté affectif de cette caisse dont il ne séparerait pour rien au monde! (sauf si on lui proposait cash  Argus + 10%). En revanche, elle est assortie à sa cravate! Comme il s’est déjà soulagé d’un petit billet il fait un grand signe au portier qui est occupé et lui dit à très haute voix  « On se voit tout à l’heure pour ce que tu sais… » (forcément, il n’y a qu’une sortie).

 

Mise en scène…

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Toujours le même scénario. Un peu rustre, beaucoup macho, il est dans son fief et la « fille » n’osera pas se rebiffer. Il fait 2 ou 3 grands « bonsoir » à des joueurs ou à d’hypothétiques consommateurs qui ne le voient pas, (occupés qu’ils sont à leurs affaires), il met une petite tape sur les fesses de sa rouquine ou de sa blonde platine (il a une nette prédilection pour le côté voyant de ses amies) et lui dit d’une voix parfaitement audible pour le voisinage : « allez vas te refaire une beauté : moi, je vais faire ouvrir une table ». Quand elle revient, (il est assis à une table libre) et quasi déserte. Il souligne qu’il n’a pas fait attention et qu’il n’a pas l’habitude des mises 1/2€ … Pas grave, il est grand seigneur! « Je m’adapterai aux petits joueurs »

Soit elle s’installe derrière lui, soit il l’expédie attendre au bar! Il recave à grand renfort de liasses, sans jamais ciller. A noter que le flambeur n’est pas mauvais joueur! Euphémisme, il serait même excellent perdant! Faire du cinéma, c’est son lot. Quand il perd, ce sont des miettes! Quand il lui arrive de gagner, (un flambeur finit forcément par gagner un jour), il joue les princes des mille et une nuits. Bruyamment. Très bruyamment.

Conseils de jeu : ne pas tenter d’arracher des coups à la river. Un flambeur vous suivra juste « pour se faire une idée ». Normal, il joue « habituellement » en NL 2 000 par conséquent, il ne connait pas les joueurs en NL100 ou 200. Ne pas surjouer vos grosses paires, un flambeur peut vous emmener sur la lune avec 47 off. Un jour de veine, il craquera vos KK avec une quinte. Et vous fera la leçon en sus!

Attendre les belles mains, les spots. Profitez-en, lui ne vous voit pas, n’analyse pas votre jeu. En aucune façon. Si vous relancez, il vous suivra car il est dans tous les coups. S’il ne suivait pas, il se sentirait comme…déshonoré! Le flambeur est nécessairement un joueur compulsif. Il est bruyant mais reste joyeux quand il perd, il est très bruyant et lourdingue quand il gagne. Il est en général généreux avec ses supporters. Et le personnel, la valetaille…

Ses TOC verbaux : « La tournée, c’est pour moi! » ou « Mets cela sur ma note ». « Si tu me relances je double » ou encore « C’est tout réfléchi, je call » et le plus court « Suivi! »

Son TOC gestuel : la main dans la poche arrière droite : sortir 2500 euros pour extraire de la liasse un pourboire de 10 euros tout en disant : « Tiens! je n’ai pris que ça sur moi? »

Sa devise : « Le silicone, c’est pas de l’argent! » Il n’aime et ne respecte que le cash.

Sa limite? Aucune limite. Vrai en théorie. Vrai dans son délire. Faux en réalité. Sa limite est atteinte quand ses poches (toutes ses poches) sont vides. Sa sortie préférée dans ce cas? Aux bras de sa flamboyante rouquine (qui n’a toujours rien compris au coup) « Allez poupée, on est attendu sur le Rocher » (comprendre par là que la famille princière l’attend à Monaco).

Les convenances : lui est dans son délire. Tous les employés se font de discrets clins d’œil, ils ont déjà été « traités », les gogos sont ébahis d’avoir vu un rescapé de la Race des Seigneurs, les responsables le saluent comme il se doit attendant sa prochaine venue qui tombera le 2 ou le 3 du mois prochain, le voiturier a redémarré la TR5 avec des fils de batterie, il annonce à sa compagne « avoir oublié les clefs de son loft sur la Croisette au Palm Beach ou ailleurs, et au fait, ne pourrait-on pas aller de reposer chez elle? »

Le bon sens ; il convient rappelons-le une dernière fois, d’être très prudent contre cette espèce rare mais qui se renouvelle sans cesse. Vous pouvez lui prendre plusieurs fois plusieurs caves. Plusieurs semaines ou mois de suite. Mais en cas de déveine pour vous (donc de chance pour ses mains pourries) ne surtout pas insister. Patience, vous le retrouverez dans quelques semaines.

Le cliché usé : à un croupier qui lui fait signe discrètement (« c’est à vous de jouer ») il répondra, mi-amusé, mi-arrogant : « évidemment je suis! Mais pour qui tu’m prends »…