Qui n’a pas eu une fois l’envie, au sens figuré bien entendu, de casser la gueule au dealer? Pas comme l’entendait l’auteur-compositeur de cette chanson contre la drogue, évidemment! « On n’a pas des métiers faciles… » disait en souriant Babeth, l’une des premières orfèvres en la matière. Au mieux, indifférer 8 joueurs sur 9 en permanence, au pire devoir mécontenter avec grâce, dextérité, habileté et politesse, la majorité des joueurs. Supporter leurs sarcasmes, leur mauvaise humeur, leurs bad beats, leurs pertes et leurs caprices. Ou leurs excès en tous genres s’ils emportent un gros pot. Une politesse exquise qui se veut de rigueur dans toutes les maisons de bonne tenue. Si débordements il y a, des responsables de table voire de salle, restent souverains en la matière. Mise en garde du joueur, avertissement, rappel à l’ordre ou distribution gratuite de cartons « rainbow ». (jaunes à rouge).

Il y a les dealers pros…

Dealer…anglicisme signifiant littéralement « distributeur ». Mais il ne sera ni témoin ni  garant d’un éventuel futur deal entre vous et les autres joueurs! Neutralité oblige. Leur position est au casino ce que les suisses sont à leurs banques ou au Vatican. Des trésoriers et/ou des gardiens de l’ordre et des règles édictées en ces lieux sacro-saints. Tout voir, tout entendre, sans le restituer, tant qu’il n’y a pas faute! Les meilleur(e)s croupier(ères) sont nourri(e)s d’une passion pour les jeux de casino et notamment les jeux de cartes traditionnels. Pas pour le jeu intrinsèquement. L’un et l’autre ne sont pas toujours compatibles, surtout en terme de disponibilité. Il existe chez ces gens-là, une notion de stimulation intellectuelle qui les fascine. Les conditions spécifiques à cet univers sont les suivantes : travail de nuit, pression, rapidité et précision. Ainsi, l’envie de devenir croupier est-elle vraiment spécifique à chacun(e). Il ne s’agit pas là d’un caprice d’enfant mais d’une authentique passion pour un véritable métier à temps plein. Permis de conduire indispensable!

 

 

Comment s’effectue la donne? Le brassage, qui est le mélange des cartes. Puis le ré-assemblage, suivi d’un re-mélange ou deux, avec ce bruit sec de carton claqué, si familier aux joueurs. C’est le battage à l’Américaine, en « riffle-shuffle ». Le paquet est coupé en deux, et les deux moitiés sont effeuillées, les cartes étant enchevêtrées en retombant par gravité. Enfin, le croupier termine en coupant plusieurs fois d’affilée le jeu.

Un petit train, puis 2 puis 3 et la coupe! Avant de distribuer les cartes, le croupier place une « carte de coupe », objet généralement en plastique, sous le paquet, afin qu’aucune carte n’en soit visible.. Puis vient la donne… Simple rappel bien sûr. Le croupier reste un joueur en devenir puisqu’il connait les règles par cœur. Il suffit qu’il s’en donne les moyens. Et il s’améliore chaque jour en étant acteur mais surtout observateur! Il fait une moyenne des moves à l’aide de son excellente mémoire (de rigueur pour tout personnel de casino ) et tire profit des coup vus. Il établit ses propres stats sur les moves perdus ou gagnés par sa clientèle, pro ou non. Selon certains pros de la donne, mémoriser les coups, les tells et les moves gagnants sont un énorme bénéfice net d’impôt. Comme des cours particulier à domicile. A noter qu’un excellent joueur peut être un piètre croupier. Mais qu’un bon croupier ne saurait être, en règle générale, un si mauvais joueur que cela!

Les pros distribuent parfois *

Une place enviée? Oui mais à gagner! En 88, au casino d’Enghien, un croupier m’a confié qu’en 40 ans de carrière, il pouvait gagner 7.5MF bruts. Avant impôts, traites, train de vie etc… Plus les pourboires sur lesquels il ne s’est pas étendu de trop… Toujours mieux qu’une faillite personnelle ou qu’une éventuelle interdiction de jeu après déboires, mais loin de ce que prend tous les jours la banque, ou que prenait, occasionnellement le gros flambeur qui faisait sauter celle-ci (no limite autrefois) une fois par décennie? Siècle? Toujours est-il que ces places sont très prisées et vont de 1 à 10 en terme de revenus (no comment). Un peu comme une place de barman au Fouquet’s, qui se revend(ait). Ou à Drouot, car si vous n’êtes(iez) pas savoyard, mieux valait folder, passer  la main. Vous n’enfiliez jamais le costume au col rouge!

 

Place de barman à « céder » …

 

Le maître mot? L’art majeur? La discrétion. C’est vrai que les personnels de casino, en général, sont et savent se rendre très peu visibles, ce malgré leur omniprésence. Ils ont 2 paires d’yeux devant, une derrière, voire sur les côtés. Ils règlent à l’amiable 90% des malentendus à table. Et cela vaut pour tous les jeux. Texas Holdem, Baccarat, Black Jack…Savoir se fondre dans la masse, pour mieux observer sans se faire remarquer, ne pas imposer lourdement sa présence, néanmoins obligatoire. Les joueurs sont une gent excessivement capricieuse, fétichiste et coutumière de joyeux ou coléreux esclandres. Les croupiers, les dealers sont indispensables. Raison de plus pour ne pas se faire trop remarquer. Un peu comme le serveur d’un 3 étoiles, qui se veut être sans cesse au devant des désidératas de la clientèle mais sans être obséquieux! Un métier? Non, un art, une mélodie jouée a tempo! En permanence et avec la dextérité d’un prestidigitateur.Ils sont les maitres du jeu et les responsables de vos bads (grosse colère) et de vos gros gains (gros pourboire). De même que l’avocat du diable ne reçoit pas toujours les honoraires qu’il mérite, le dealer dispense souvent in fine, la river qui …mouille tous les joueurs.

C’est à la river qu’il se marre!

 

* reproduction avec l’aimable autorisation de madame Trappler.